…ou le désir, fort, d’être plus réaliste, plus rationnel, plus raisonnable.
Au début, il y a une information, immédiatement suivie d’une émotion :
Une majorité de députés vote pour réautoriser l’utilisation agricole du tueur d’abeilles, malgré les d’études sur la toxicité pour les humains ? Je suis rouge de colère.
L’Europe s’engage à acheter pour 750 milliards d’énergie aux USA avec la garantie d’accroître les gaz à effet de serre et d’accélérer le changement climatique ? Je vire au vert, écœurée.
Puis monte le besoin, irrépressible, de comprendre :
Selon Albert Jacquard, mathématicien, philosophe, généticien, le cheminement autonome de défricher une piste inexplorée est une aventure inouïe. C’est avec pour seul bagage l’énergie de la hargne au cœur qu’il faut chercher les ressorts de l’incohérence flagrante entre décisions politiques et connaissances scientifiques.
Albert Jacquard a proposé cette hypothèse : Ayant adopté comme moteur de son activité la compétition généralisée, entre individus, entre entreprises, entre nations, ayant choisi comme critère de réussite le profit, la culture dominante diffuse à propos de la science deux idées fausses :
Sur sa finalité : le bonheur de comprendre est remplacé par le plaisir d’être efficace,
En licenciant la responsable des statistiques quand les chiffres de l’emploi sont mauvais, Donald Trump en donne une parfaite illustration, même si casser le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre.
Sur sa pratique : la participation à une œuvre collective de l’ensemble humain est oubliée au profit d’une lutte individuelle, souvent désespérée, pour y trouver une place et la conserver.
Ça fonctionne aussi : En traficotant un rapport scientifique établi par d’éminents climatologues, Trump s’auto-félicite de la dérégulation des lois climatiques, qui mériterait le Nobel de physique.
Un principe pour boussole plutôt que le spacieux chemin de perdition du fake :
Selon Albert Jacquard, dire d’un être humain qu’il est un scientifique est pur pléonasme. Quelques exemples récents dans l’actualité confirment aussi la véracité de l’inverse : l’irrationalité frôle l’inhumanité.
C’est le gouvernement français qui combat le feu intérieur par le feu extérieur : en pompier pyromane, ça s’agite pour attiser le feu avec l’Algérie et tenter ainsi de fixer la colère citoyenne face à l’inaction patente contre les incendies mortels, tout le budget consacré à barder Paris, plutôt que les forêts, de caméras de surveillance pour protéger la flamme des JO.
Ce sont des DJ ou des influenceurs qui ont « droit de média » pour vanter les qualités miraculeuses de gélules de placenta (le cannibalisme revisité), quand les climatologues sont licenciés aux USA pour ne plus suivre les témoins du réchauffement climatique comme l’amibe mangeuse de cerveau dont un adolescent a été la victime après une baignade dans un lac contaminé.
Au bout du compte, la conclusion se fait conviction, la conviction se fait engagement :
L’intégrité intellectuelle passe par l’accès à des données attribuables, exactes, complètes, accessibles. On doit aussi le plus grand respect aux hommes et aux femmes qui se confrontent en permanence à une réalité changeante.
La science est à la technologie ce que la tête est aux jambes. Mais leurs chemins se séparent. Pire, le MIT a montré que la technologie réduit les capacités cognitives requises pour la science.
Dans un monde qui touche à ses limites, la technologie surveille et tue au service des populistes de toute obédience ; De son côté, la science est niée, truquée, piétinée. Mais un brin anar, elle s’entête à exister et à s’exprimer car ce qui est révolutionnaire, c’est la lucidité.
Le devoir de cohérence avec la réalité est quasi une contrainte artistique volontaire ; Elle est au moins une opportunité d’innover. Plus, selon Jacquard, refuser à un seul humain l’accès à un regard aussi clair que possible, c’est faire courir un danger à toute l’humanité. Quand la science n’avance plus, la réalité ne prend-elle pas le relai ?
A chaque époque, son fléau. A chacun de choisir entre les potions des Jacquouille la Fripouille et la raison de Jacquard.
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